Rama Yade, la
"Condi Rice" de Sarkozy
© LE MONDE | 20.06.07 | 15h30 • Mis à
jour le 20.06.07 | 15h30
Nicolas Sarkozy voulait sa Condi Rice. Une femme issue des
"minorités visibles", comme on dit aujourd'hui, qui représente la France. Une femme
jeune (et belle), qui incarne la parité et le renouvellement des générations.
Rama Yade était taillée sur mesure pour devenir, à 30 ans, la benjamine du
gouvernement, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères et aux droits de
l'homme. Le nouveau quatuor du Quai d'Orsay, avec les socialistes Bernard
Kouchner, Jean-Pierre Jouyet et Jean-Marie Bockel, a tout pour plaire à "l'ouverture".
Les affaires étrangères, Rama Yade en rêvait. Redoutait
qu'on l'enferme dans les questions d'intégration en lui confiant la francophonie.
Elle l'avait dit au président, qu'elle continue obstinément à vouvoyer quand
lui la tutoie depuis le début. En lui confiant la mission, il lui a intimé
l'ordre de ne pas répondre aux médias pendant les premières semaines. D'autres
lui ont rappelé la consigne. Un peu inquiets, peut-être, de la liberté de ton
de cette jeune femme, qui n'hésitait pas à faire part de ses désaccords à
Nicolas Sarkozy pendant la campagne et qui reçoit ses amis en boubou dans son
petit appartement sous les toits. Le très feutré Quai d'Orsay devra s'y faire.
Mais Rama Yade apprend vite.
Elle a déjà eu plusieurs vies. Une enfance facile au
Sénégal, élevée par une mère professeur et un père diplomate, secrétaire
particulier du président socialiste Léopold Sédar Senghor. Une deuxième vie
dans un quartier résidentiel de Colombes, en banlieue parisienne, son père
étant en mission en France. Une troisième dans une cité de Colombes, où sa mère
s'est retrouvée brutalement seule à élever ses enfants, se sacrifiant pour leur
offrir l'école privée et catholique, sans renoncer à la religion musulmane.
Dans une vie récente, Rama Yade était administratrice au Sénat, est devenue
secrétaire nationale de l'UMP "pour Sarkozy" et s'est mariée... avec
un socialiste.
La jeune secrétaire d'Etat ne sait pas encore en quoi
consistera sa mission sur les "droits de l'homme". Elle a été
accueillie par Bernard Kouchner dans son futur bureau, a découvert les voitures
à vitres fumées, les officiers de sécurité, l'ordre du jour de son premier
conseil des ministres. Et les premières attaques : sur son arrogance, son rôle
de "vitrine".
© Marion Van
Renterghem
Article paru dans l'édition du 21.06.07