Avril 2002. Sun City.
Afrique du Sud.
A la suite d’une conférence de presse historique d’Etienne
Kabila Taratibu accusant Joseph Kabila Kabange, qu’il nomme « Joseph-Hypolitte
Kanambe », d’avoir commandité l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila et d’avoir
pour géniteurs des parents tutsi rwandais, la presse fait état des origines
rwandaises de Vital Kamerhe, principal « démineur » de l’AFDL-CPP au Dialogue
intercongolais, aujourd’hui président de l’Assemblée nationale.
Invité à réagir à cette information, Kamerhe répond avec
jactance : « Nous sommes tous fils du Rwanda ». Pas de quoi faire jaser des
charognards zaïro-congolais préoccupés par le partage « équitable et équilibré
» du pouvoir !
Avec le recul et au delà de la passion, on réalise que le
fait pour l’AFDL de s’être emparée du pouvoir d’Etat en mai 1997 à la
suite d’une campagne militaire menée par l’Armée patriotique rwandaise
consacre le début du commencement de notre vassalité.
Fils du Rwanda !
Ne le serions-nous pas devenus, malgré nous et peut-être
sans le savoir, quand on sait que James Kabarebe, actuellement chef
d’état-major général de l’Armée patriotique rwandaise a occupé les mêmes
fonctions à l’avènement de l’AFDL, mouvement politico-militaire créé par le
Rwanda pour ses objectifs propres ?
Qu’on se souvienne de ce que le leader de l’UDPS, Etienne
Tshisekedi wa Mulumba, fut relégué dans son village pour avoir invité le
pouvoir AFDL à payer la facture de guerre et à remercier sans délai les
mercenaires étrangers qui l’avaient aidé à s’emparer du pouvoir d’Etat de la
manière que l’on sait.
La réponse du tombeur de Mobutu fut que tous les militaires
de l’AFDL étaient des citoyens congolais. La vérité ne tarda pas à éclater.
Lors d’une visite officielle à Kigali quelques mois après son avènement,
Laurent-Désiré Kabila dénonçait déjà les exactions des soldats rwandais sur les
ex-Zaïrois et le trafic des matières précieuses auxquels ils se livraient comme
en territoire conquis.
Moins d’une année après, ce fut le divorce consacré par le
retour des troupes rwandaises à Kigali et le remplacement de James Kabarebe par
le général Célestin Kifwa qui, pour exorciser les démons rwandais ( !) du
bureau qu’occupait son prédécesseur rwandais, y égorgera une chèvre avant
d’asperger le sang aux murs.
Certes que cette émancipation de Laurent-Désiré Kabila
n’était pas du goût de Kigali qui profitera du conflit de gestion des ambitions
au sein de l’AFDL pour recruter d’autres marionnettes congolaises en vue
de créer le RCD. L’Ouganda qui ne voulait pas perdre toute influence en
RDC créera pour sa part le MLC.
La suite est connue. Le Dialogue inter-congolais piloté par
une communauté internationale préoccupée plus par la stabilisation du Congo que
par sa démocratisation, accordera une prime de guerre aux mercenaires au
service de Kigali et de Kampala au point de faire de la gestion de la
transition leur chasse gardée. Exit l’opposition politique !
Aujourd’hui encore, cette logique esclavagiste prédomine.
Les héritiers de l’AFDL sont aux commandes de l’Etat. Ils sont la première
force politique à l’Assemblée nationale et au Sénat suivis par le MLC. De même
qu’au niveau de la territoriale !
Comment dans ces conditions, Kamerhe n’aurait-il pas raison
d’affirmer que nous sommes tous fils du Rwanda quand, par action ou omission,
le Congolais a choisi de se résigner et d’applaudir des mains et des pieds un
pouvoir qu’il sait d’essence étrangère jusqu’à la moelle ?
Pour couronner notre filiation au Rwanda, les troupes de
Laurent Nkunda ont obtenu comme contrepartie de leur mixage ( ?) : la garantie
de ne travailler que dans leurs milieux d’origine. Pas étonnant donc que leur
origine étant ce qu’elle, ces soldats mixés soient plus à l’aise dans les uniformes
de l’armée rwandaise que dans celle d’une armée congolaise à réinventer !
Fils du Rwanda, ne le serions nous pas quand le
rapprochement entre Kinshasa et Laurent Nkunda, qui avoue volontiers être un
ancien de l’APR comme un certain Joseph Kabila, est négocié à Kigali et comme
par hasard sous les auspices de James Kabarebe, « notre » ancien chef
d’état-major général ?
Fils du Rwanda, comment ne le serions-nous pas, pour
paraphraser Kamerhe, quand on a offert le gîte et le couvert aux Interhamwe qui
ont annoncé à partir de Kinshasa la création des Forces démocratiques pour la
libération du Rwanda, copie conforme et certifiée de l’AFDL, qui exigent la
tenue d’un Dialogue inter-rwandais avant d’envisager un quelconque retour au
pays de mille collines ?
Empêtrée dans son affairisme en faisant le troc des
renseignements et des armes contre l’or des forces dites négatives qu’elle est
pourtant sensée combattre, la
MONUC de Swing ne fera pas le bonheur des Congolais sans eux
et ne combattra pas à leur place pour que le Congo à démocratiser retrouve la
paix. Il ne peut en être autrement quand, en dépit du vote d’une résolution
onusienne qui l’autorise à recourir à la force sur base du chapitre 7 de la Charte de l’Onu, la fameuse
MONUC conseille encore et toujours une solution politique. Le pourrissement de
la situation est donc garantie.
Dès lors, à qui profite le crime si ce n’est aux fils du
Rwanda ? Ne le serions nous tous devenus, peut-être sans le savoir ?