Une interview attribuée à Joseph Kabila est au centre d’une
controverse politico-médiatique. Il faut dire que l’interviewé y tient un
discours troublant, aux conséquences imprévisibles au plan diplomatique. C’est
le branle-bas de combat à la
Présidence de la République. De quoi s’agit-il ? L’histoire se déroule comme une pièce de
théâtre composée de plusieurs actes.
Acte premier
Le journal kinois « Uhuru »,
dont la PDG n’est
autre que l’actuelle vice-ministre en charge des Congolais de l’étranger a
publié, probablement lundi 1er octobre, une interview que Joseph Kabila a
accordée ( ?) à un journaliste nommé Jackson Wilson, non autrement identifié.
Deuxième
acte
Jouant à merveille son rôle de « grand tam-tam du raïs », le site
Internet Digitalcongo.net met l’interview en ligne, assortie de quelques
commentaires en guise de « chapeau » : « Le journaliste américain indépendant
Jackson Wilson, écrit MMC, la branche éditoriale du site kabiliste, a
interviewé le Président Joseph Kabila (…) et il présente son hôte comme un
Président nationaliste pour qui seuls comptent les intérêts de son pays, comme
le témoigne le récent partenariat conclu avec la Chine malgré les pressions
internationales. »
« De la situation socio-économique, de l’insécurité et la reprise de la guerre
à l’Est de la RDC ,
de l’immobilisme du gouvernement congolais, de la restriction des libertés
individuelles, des présumés assassinats politiques, du retour hypothétique à
Kinshasa de son rival le sénateur Jean Pierre Bemba, de l’accord de coopération
avec la Chine...,
tous ces sujets ont été survolés, sans restriction ni tabou. » MMC de conclure
que « cette interview accordée depuis Washington Dc à Jackson Wilson
(Journaliste Indépendant) présente Joseph Kabila sous l’étoffe d’un président
nationaliste (…) ». « L’évaluation que Joseph Kabila fait de la coopération
bilatérale avec les pays occidentaux et particulièrement avec la Belgique est loin d’être
satisfaisante, et il en tire les conséquences. Il n’a pas peur de finir comme
son défunt père qui a arpenté les mêmes sentiers du nationalisme et assume ses
dires. Le dessein qu’il nourrit pour son pays est à la mesure de ses ambitions
lesquelles s’inscrivent dans la durée, avec comme finalité, faire du Congo la
première puissance économique, militaire et nucléaire de l’Afrique noire. »
Troisième
acte
Deux heures plus tard, le texte de l’interview est retiré du site
Digitalcongo.net. A la place, les internautes ont eu droit à un communiqué pour
le moins pathétique ayant pour titre : « Alerte sur la toile : une fausse
interview de J. Kabila à Washington reprise dans les médias de Kinshasa ! ». Le
texte est tout aussi pathétique : « De mauvais plaisants ont mis sur le Web ce
mardi 02 octobre 2007 une fausse interview qu’aurait accordée le Président
Joseph Kabila à un journaliste américain en marge de l’Assemblée générale de
l’ONU. Ce canular, qui a été reprise par certains journaux locaux dans leur
livraison de ce jour n’est pas le texte de la véritable interview. Nos lecteurs
sont invités à s’en méfier et à attendre le vrai texte de cette interview qui
sera diffusée sur notre site dans les prochaines heures ».
Pas de chance. Le
texte de l’interview a fait le tour du monde via notamment les sites
Africatime.com et le très frondeur Kabiladoitpartir.com.
Quatrième acte
A Kinshasa, l’agence de presse APA publie mardi une dépêche annonçant que « le président Kabila dément avoir accordé une interview à un journaliste ou à un organe de presse ». La déclaration porte la signature du porte-parole à la Présidence Kudura Kasongo : "Le Président de la République, lors de son séjour à New York, aux Etats-Unis, n’a accordé aucune interview à un journaliste quelconque national ou étranger ni à un organe de presse quelconque national ou étranger, ni à un journaliste indépendant quelconque", écrit-il. Et d’ajouter : "Ainsi donc, les propos recueillis par le journal Uhuru paru ce mardi 2 octobre 2007 dans son numéro 1009 attribués au Chef de l’Etat Joseph Kabila sont fictifs et imaginaires, visent à ternir son image dans l’opinion et à contrarier la crédibilité de nos institutions".
Kudura de conclure que la
Présidence de la République menace des "poursuites
judiciaires" le journal Uhuru ainsi que tout organe qui "relayerait
ces allégations mensongères et outrageantes". A noter que le journal Uhuru
est réputé proche de l’ANR (Agence nationale des renseignements). Son principal
actionnaire ne serait autre que l’ancien patron de l’ANR, Didier Kazadi
Nyembwe.
Questions : l’interview incriminée est-elle un canular ou une bourde?
Qui est l’auteur du « canular » ? Quel but poursuit-il ? Pourquoi le site
Digitalcongo.net a promis aux internautes d’attendre la diffusion « du vrai
texte de cette interview » ? Un ancien officier de l’ANR, joint au téléphone à
Kinshasa, a eu ces mots : «Je dispose des informations qui attestent que Joseph
Kabila a bel et bien accordé la litigieuse interview. Le chef de l’Etat a parlé
sans mesurer l’impact que ses propos pourraient engendrer au plan diplomatique
». Qui dit vrai ? Canular ou pas, cette affaire vient jeter un pavé dans la
marre. Si c’est du « bidonnage », on se trouve devant un chef d’œuvre de la
manipulation qui a le mérite de confirmer ce que l’on savait. A savoir que
depuis une décennie, l’ex-Zaïre est pris en otage par des apprentis-sorciers en
politique.
B. Amba Wetshi © Congoindépendant 2003-2007
Congoindependant.com reprend ci-après l’entretien controversé.
Texto :
Monsieur le président, quel bilan faites-vous à plus de 300 jours de votre
élection au suffrage universel ?
Joseph Kabila : Selon la nouvelle constitution de la RDC, le président n’est en aucun cas responsable de la situation économique, sociale et sécuritaire du pays. Vous devez poser cette question au premier ministre Antoine Gizenga.
Voulez-vous dire qu’il y a une véritable séparation du pouvoir en RDC ?
Bien évidement. Toutefois, il existe des domaines de collaboration entre la Présidence et le
gouvernement.
Certains congolais ne sont toujours pas convaincus de votre filiation avec le
défunt président Laurent Désire Kabila. Du reste, ils continuent à suspecter
votre participation dans la planification de son assassinat. Quelle est votre
réaction ?
Selon certaines Ongs, ces élections ont été entachées de plusieurs
irrégularités en votre faveur. Notamment, la surveillance de plusieurs bureaux
de vote à l’Est de la RDC
par les éléments rebelles rwandais du FDLR, Interamhwé, et les hommes du
général dissident Laurent Nkundabatware. Tous sont connus pour les massacres et
viols contre la population civile. Tous ces rebelles déclarent à qui veut les
entendre qu’ils ont participé à votre écrasante victoire électorale dans le
Kivu; le secrétaire général de votre parti politique le PPRD, Monsieur Vital
Kamerhe déclara à un journaliste de Jeune Afrique que votre épouse lui avait
confié des valises pleines de dollars afin de corrompre les électeurs les
éléments de votre garde personnelle ont attaqué à plusieurs reprises la
résidence de votre rivale du second tour, avant et après les élections les
chaînes de radio et télévision de l’opposition ont été brûlées des journalistes
assassinés…Franchement, ces élections ont-elles été libres, démocratiques et
transparentes ?
Concernant la présence des éléments rebelles dans les bureaux de vote, je vous
dirai simplement qu’en politique les liens se font et se défont selon les
intérêts. Quant aux déclarations de Vital Kamerhe, ce dernier a apporté des
éclaircissements lors de ses suivantes sorties médiatiques. Il m’avait demandé
pardon et je le lui ai accordé. Les incidents qui ont survenu pendant la
période électorale doivent être placés dans leur contexte !
Mais, vos hommes n’avaient pas hésité à tirer sur la résidence de votre rival
le 21 août 2006, sachant très bien qu’il y avait les membres du Ciat, 15
ambassadeurs en poste à Kinshasa dont plusieurs occidentaux ?
C’est très regrettable, mais on ne sait pas faire des omelettes sans casser des
oeufs.
Que signifie cette expression ?
Ces diplomates se sont retrouvés au mauvais endroit et au mauvais moment. Ils
sont allés dans cette résidence sachant que c’était une zone de combat. Je me
demande s’ils n’ont pas voulu servir de bouclier humain ? Malheureusement pour
eux, mes hommes avaient un travail à finir. D’ailleurs, leurs propres
gouvernements n’ont pas exprimé leurs désapprobations. Les forces de l’Union européenne
et ceux de l’ONU présentes à Kinshasa nous ont facilité la tâche. Le rapport de
l’ONU sur ces incidents est mis au placard! L’affaire est close.
Voulez-vous dire qu’il y a eu complicité internationale pour éliminer votre
adversaire politique ?
Je vous laisse répondre à votre question.
Le sénateur J.P Bemba souhaite retourner en RDC et demande des garanties
politiques et sécuritaires. Quelle est votre position ?
J’ai déjà eu à répondre plusieurs fois à cette question. La justice de mon pays
est libre et indépendante, elle doit faire son travail. Quant aux garanties
sécuritaires, je n’y peux rien. L’insécurité est généralisée, toute la
population vit dans l’insécurité. Je ne peux pas garantir la sécurité d’un seul
individu!
Selon notre correspondant en RDC, l’opposition suspecte votre entourage de
vouloir à tout prix obtenir une condamnation par défaut à l’encontre du
sénateur JP Bemba et son inéligibilité à vie ? Ainsi, toutes sortes de charges
et combines sont mises en branle afin que la justice fasse le reste ?
C’est de bonne guerre! Regardez ce qui se passe en France dans l’affaire
Clearstream. Le président Jacques Chirac et son premier ministre Dominique de
Villepin, n’ont pas hésité à monter un dossier sur le candidat de leur propre
camp en la personne de Nicolas Sarkozy !
Mais l’affaire a mal tourné pour Jacques Chirac et Dominique de Villepin ?
La politique est un métier à risque, cher ami ! (Sourire)
En matière des libertés individuelles et des droits de l’homme, la situation en
RDC est devenue pire qu’avant les élections, selon HRW et Amnesty International
?
La situation politique dans mon pays est de loin meilleure par rapport à celle
de la Birmanie,
dont le régime militaire est soutenu à bras le corps par les occidentaux. Votre
gouvernement retient des pauvres musulmans en toute illégalité à Guantanamo ? La France et la Belgique ont construit
des prisons sur les tarmacs de leurs aéroports internationaux. Les étrangers
(hommes, femmes enceintes, nouveaux-nés, enfants et vieillards) y sont enfermés
sans jugement ! Vos militaires sèment la mort en Irak ainsi qu’en Afghanistan.
Ces morts ne sont-ils pas des dommages collatéraux ?
Les pays occidentaux qui ont financé le processus électoral en RDC se sentent
aujourd’hui floués depuis que votre gouvernement a signé avec le régime chinois
un accord de coopération pour un montant de 8,5 milliards de dollars. La Banque Mondiale et
FMI boudent cet accord. Que pensez-vous des réactions des parrains occidentaux ?
Primo, je n’ai pas de parrains occidentaux. Les élections en RDC ont été
libres, démocratiques transparentes. Je suis un nationaliste africain et un
panafricaniste convaincu. Ceux des occidentaux qui ont cru être les prétendus
parrains vont l’appendre à leur dépend ! Je n’ai des comptes à rendre qu’aux
électeurs congolais qui m’ont apporté leur confiance. Secundo, j’ai décidé de
coopérer avec la Chine,
malgré les pressions internationales, car c’est la 4ème puissance mondiale. Je
dirai même que la Chine
est en réalité la première puissance mondiale.
Nous avons compris que la coopération bilatérale avec nos partenaires
occidentaux traditionnels n’a été que duperie. L’exemple le plus frappant est
celui de l’accord de coopération avecla Belgique, signé juste après mon investiture, pour
un montant de moins de 200 millions d’Euros sur 5 ans! Ce petit montant, argent
de poche, loin de nous aider à sortir du marasme économique, nous enferme dans
un système de surendettement chronique, une forme de néocolonialisme sournois
qui ne dit pas son nom. Nous avons compris qu’il fallait absolument couper ce
cordon ombilical maléfique. Je peux vous assurer que Hugo Chavez et Fidel
Castro sont mes models. Ils ont compris les vrais enjeux économiques
internationaux, déséquilibrés, au détriment des pays du sud.
Vous me paraissez très sûr de vous ?
Je suis le président d’un pays qui est 80 fois plus grand que la Belgique et 8 fois plus grand que la France. Ces anciennes puissances coloniales doivent commencer à nous respecter. Vous avez vu ce que la coopération militaire belge a fait en RDC ? Au lieu de former nos hommes, elle nous a vendu du matériel de seconde main (armes, munitions, transporteurs des troupes...). Ces gens sont venus faire du commerce. En guise de remerciement, ils ont voulu me donner, sans raison, le titre de docteur honoris causa de l’Ecole Royale Militaire ERM de Bruxelles. L’armée congolaise est actuellement une coquille vide. J’ai, à cet effet, signé un accord de coopération militaire avec la Chine afin de doter mon pays d’une armée moderne et surtout de l’armé nucléaire d’ici 2011. Mon pays dispose de la plus grande réserve d’uranium du monde. Notre Uranium est naturellement enrichi, j’ai bon espoir de disposer de la bombe nucléaire d’ici la fin de mon premier mandat.
La vente d’uranium au régime iranien et Nord coréen n’est donc pas une fiction
?
Ecoutez, la RDC est un pays souverain. Personne ne peut venir nous dire ce qu’il faut vendre ou
pas ! L’uranium est un minerai comme les autres.
L’accueil en demi-teinte que les officiels Belges vous ont réservé lors de
votre passage à Bruxelles le week-end passé est un prélude à...N’avez-vous pas
peur de finir exactement comme votre défunt père ?
J’ai pris mes dispositions.
Quel est votre dernier mot ?
J’entends faire de mon pays la RDC,
la première puissance économique, militaire et nucléaire de l’Afrique noire. La Chine va nous aider dans ce
sens, n’en déplaise à certains
©
Jackson Wilson/J.I/Washington DC/Uhuru
de telles farces n'ont pas de places aux congolais,soyez serieux dans vos aventures,
que Dieu vous aides à retrouver la bonne voie.