Un film de Jean-Michel Leprince et Pierre Devroede
pour Radio Canada
29 novembre 2002
Français
22 min
Cliquer sur l'image pour voir la vidéo
Eclairages :
La région de Masisi, au Congo, était autrefois un paradis de l'élevage bovin. Aujourd'hui, elle regorge d'un minerai rare et de grande valeur, le coltan, une abréviation pour Colombo-Tantale. Les carrières sont à ciel ouvert, les éboulements, très fréquents. Être un mineur de coltan c'est un métier dangereux. Dans certaines régions, le coltan peut même être radioactif.
Les hommes travaillent par groupe de cinq avec une méthode qui ressemble à celle qu'utilisait les premiers chercheurs d'or. Sur le bord d'un étang d'eau, ils nettoient des poignées de boue à la recherche de minuscules morceaux de ce minerais. Ils se partagent à la toute fin le profit de la récolte. C'est un travail très difficile mais rentable.
Dans le coltan, ce qui est recherché, c'est le tantale. Le pentoxide de tantale est reconnu pour sa dureté et sa résistance extrême à la chaleur et à la corrosion. Il sert à fabriquer des pièces d'avions, de fusées, d'outils de précision, mais surtout des condensateurs pour les téléphones cellulaires (portables), et les ordinateurs.
Le Canada produit du tantale en petite quantité à la mine Tanco du Manitoba, une filiale de l'américaine Cabot. L'Australie et le Brésil sont aussi des gros producteurs.
À Noël de l'an 2000 Sony a dû affronter des millions de consommateurs dont les enfants étaient furieux parce qu'une pénurie mondiale de tantale l'a empêché de fabriquer sa plate-forme de jeu vidéo Play Station 2 en quantité suffisante. Cette crise a fait monter le prix du coltan jusqu'à 800 dollars la livre.
Avec une telle valeur, ce précieux coltan fait l'objet de toutes les convoitises. Et qui dit « convoitise », dit souvent « pillage ». Au Congo, c'est la guerre. La région était il y a peu livrée aux bandes armées et aux pillards venus de toutes parts. Les soldats rwandais font à peu près régner l'ordre mais les villages doivent encore se protéger par des hommes armés.
De la mine aux fabricants
Les mineurs, après avoir passé leur marchandise par un inspecteur, suivent leur sac de coltan jusqu'au comptoir où le minerai sera échantillonné et analysé. Selon la pureté du produit, et son poids, le mineur recevra son salaire. D'après ces premiers acheteurs, un minier peut gagner jusqu'à 115 dollars en deux semaines. Pour gagner la même chose, un paysan devrait récolter des haricots pendant un an et demi!
La deuxième étape est de passer des aimants au travers du lot pour y retirer toutes impuretés. Le coltan est ensuite séché, écrasé et mélangé pour devenir une poudre fine et homogène. Les premiers acheteurs accumulent ainsi jusqu'à cinq tonnes qu'ils vendent à des courtiers. Ils ne peuvent alimenter directement les fabricants, la plupart du temps pour des raisons politiques.
En effet, à cause d'un embargo moral organisé contre le coltan du Congo, officiellement, les deux plus grands raffineurs de tantale, l'américaine Cabot et Starck, la filiale de la multinationale allemande Bayer, refusent d'acheter le coltan du Congo. Dans les faits, les intermédiaires se multiplient pour camoufler la vraie source, mais le coltan du Congo finit toujours par s'y rendre. Il transite parfois par le Rwanda et la Tanzanie vers l'Europe (la Belgique surtout), le Kazakhstan ou encore l'Asie (Thaïlande, Japon). De là, le coltan est renvoyé vers les raffineurs occidentaux.
La guerre et les diamants
Cette guerre où tout le monde pille les richesses du Congo a pris naissance à Kigali, capitale du Rwanda. Des millions de Tutsis et Hutus modérés y ont massacrés en trois mois de génocide en 1994. Huit ans plus tard on retrouve encore des victimes. Les tueurs, des Hutus de l'armée et du groupe Interhamwe se sont enfuit au Congo devant les troupes rebelles Tutsis qui ont pris le pouvoir. En 1998, la nouvelle armée du Rwanda profite de la rébellion contre le dictateur Mobutu pour envahir le Congo, officiellement à la poursuite des auteurs du génocide. Depuis c'est la guerre. Près de 3 millions de morts en quatre ans. Les soldats rwandais se battent contre l'armée du Congo, celle de son allié l'Ouganda et toutes sortes de groupes armés, rebelles ou bandits. Et tout le monde se sert au passage.
À Kisangani, en plein cœur du Congo, ce n'est toutefois pas du coltan, mais des diamants qu'on pille. Car les diamants se retrouvent aussi en abondance dans ce pays. Une richesse naturelle qui ne fait que donner une autre raison de dispute. Que ce soit le régime de Mobutu ou le régime de Kabila, c'est du pareil au même, le pillage continue, avec les Rwandais et leurs alliés, les rebelles du RDC.
Comme le coltan, le diamant est miné par des petits creuseurs, on les appelle les « boulonneurs ». Il n'y a pas d'exploitation industrielles du diamant. Elle est essentiellement artisanale. Or, pour que les diamants, le coltan, l'or, le cobalt, le bois précieux, toutes les richesses du Congo cessent d'alimenter une guerre particulièrement barbare, une commission des Nations unies recommande un embargo. Selon d'autres analystes, un embargo n'est pas la solution. Non seulement la guerre ne s'arrêterait pas, mais cela créerait des milliers de chômeurs et ferait souffrir de pauvres paysans.
La
fin de l'occupation du Congo par le Rwanda ne va pas mettre un terme
au chaos, et le pillage du Congo, de ses diamants, de son coltan, ne
va pas cesser pour autant. Il a commencé au siècle
dernier avec le roi belge Léopold II pour l'ivoire, le caoutchouc, à
son profit personnel. Il a continué avec l'État Belge ;
puis à l'indépendance avec le dictateur Mobotu au
profit de son clan, suivi par les Kabila père et fils, et
enfin par les rebelles et tous les pays qui entourent le Congo. Dans
l'indifférence du monde entier, ou presque ...
Source
Note
Rejoignez-nous sur Facebook : Kabila, Kagamé, Nkunda, Museveni et leurs complices à la CPI de La Haye
Dunia SENDWE